nous et les israeliens

J’ai decouvert la raison sous-jacente pour notre relation ‘special’ avec Israel. Nous souffrons d’une maladie ideologique et insulaire que nous fait sentir encerclés par ennemies.




Les Israéliens, partagés entre l'anxiété et le fatalisme, ne croient plus à la paix
LE MONDE | 15.05.08 | 14h15 • Mis à jour le 15.05.08 | 14h15
JÉRUSALEM CORRESPONDANT

e jour même où Israël fêtait ses soixante années d'existence en présence de George Bush, une roquette Katouchia palestinienne est tombée, mercredi 14 mai, sur un centre commercial à Ashkelon, au sud du pays, faisant quatorze blessés.

Alors que l'Etat juif a été créé pour assurer la sécurité du peuple juif, la peur est toujours un sentiment dominant au sein de la population. Les gouvernements qui se sont succédé ne sont pas parvenus à réduire cette anxiété.

Les habitants de Galilée sont encore marqués par les 4 000 roquettes tirées par le Hezbollah libanais pendant la guerre de l'été 2006. Ceux d'Ashkelon sont à la portée de celles tirées de la bande de Gaza. Mahmoud Ahmadinejad, le président iranien, ne cesse d'annoncer la disparition prochaine de l'Etat juif. Depuis 1948, date de la naissance d'Israël, 1 636 civils ont été tués au cours d'attentats, et 22 437 soldats ont péri dans les différents conflits qui se sont succédé.

Aujourd'hui, l'isolement du pays dans la région est toujours aussi fort, même si des relations diplomatiques ont été établies avec l'Egypte et la Jordanie. En fait, peu d'Israéliens se rendent dans ces deux pays depuis la deuxième Intifada, sinon quelques milliers de touristes dans le Sinaï.

"Nous n'avons pas réussi à briser le sentiment d'encerclement. Nous essayons de tout contrôler mais cela ne fait pas disparaître le problème car même en Egypte, il y a beaucoup de ressentiment à notre encontre", constate Dan Rabinowitz, professeur de sociologie et d'anthropologie à l'université de Tel-Aviv.

Israël est de plus en plus replié à l'intérieur de frontières incertaines, retranché derrière la "clôture de sécurité" construite en Cisjordanie, obsédé par les risques d'attentats, de plus en plus coupé de ses voisins palestiniens. Quelque 64 % des Israéliens refusent de mettre les pieds dans un quartier arabe et 75 % d'entre eux sont favorables à un transfert des Palestiniens d'Israël de l'autre côté du "mur". Les colons de Cisjordanie s'enferment dans des ghettos auxquels ils accèdent par des routes qui leur sont réservées.

Israël est plus que jamais le pays de la peur, de l'inquiétude du lendemain, de "l'obsession sécuritaire", comme le dit Daniel Bensimon, journaliste au quotidien Haaretz. A tel point que les Palestiniens d'Israël comme Asad Ghanem, professeur de sciences politiques à l'université de Haïfa, prêche pour "sortir les Juifs d'Israël de ce cercle vicieux de la violence dans laquelle ils se sont enfermés" et qui provoque cette "sécurite aiguë".

Le poids croissant de l'appareil militaire, la multiplicité des moyens mis en oeuvre pour faire face aux menaces, la certitude d'être le plus fort contribuent à entretenir ce climat d'assiégé. Nadine Gordimer, écrivain sud-africain et prix Nobel de littérature, invitée à un festival des écrivains, a expliqué, le 13 mai à Jérusalem, que la seule solution était de parler à ses ennemis, "qu'il fallait tenir compte des réalités, des souffrances des Palestiniens pour que la paix ait une chance".

Certes, depuis trois ans, le nombre d'attentats a considérablement baissé. Mais la menace est toujours là et l'on ne cesse d'en parler même si la société juive israélienne a appris à la gérer. Vivant de plus en plus séparé des Palestiniens, ne cherchant pas à savoir ce qui se passe dans les territoires occupés et dans la bande de Gaza, le citoyen est de plus en plus persuadé que la paix n'est pas pour demain, même s'il la désire.

"Si elle vient, tant mieux, mais nous n'y croyions plus, fait remarquer Denis Charbit, professeur d'histoire à l'université ouverte de Tel-Aviv. Une sorte d'indifférence, d'autisme s'est développée. On ne se sent plus concernés."

L'Israélien a appris à vivre avec ses craintes et à absorber le conflit comme une donnée de base. Il est devenu fataliste. D'autant qu'il pense que la situation est pratiquement maîtrisée. "Le temps joue pour nous, estime ainsi Efraïm Inbar, professeur de sciences politiques à l'université Bar-Ilan de Tel-Aviv. Nous pouvons gérer sans difficulté cette situation au cours des dix prochaines années."


Michel Bôle-Richard

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